C’est le 29 juillet dernier que le conseil national de la transition (Cnt) a pu présenter au peuple de Guinée, l’avant-projet de la nouvelle constitution, après une longue période d’attente. Dans cet avant-projet de nouvelle constitution qui comprend 205 articles, on note plusieurs innovations. Parmi ces innovations, on constate entre autres, l’institution de la candidature indépendante, le débat radiotélévisé entre les candidats, la limite d’âge pour se présenter à la l’élection présidentielle à 80 ans…
Pour tenter d’édifier la population sur certaines dispositions qui semblent floues, la rédaction de foutakameen.com a donné la parole au juriste Maître Mouley Ismael Diallo basé à Labé. Dans cet entretien exclusif qu’il a accordé à notre rédaction, il a porté son regard de juriste sur cette mouture qui fait déjà parler d’elle.
Lisez ci-dessous l’intégralité de notre entretien !
Foutakameen.com : Bonjour Maître, merci d’avoir accepté de répondre à notre invitation
–Maitre Mouley Ismael Diallo : Oui bonjour, c’est un devoir et un plaisir de venir dans votre studio et parler surtout avec vos téléspectateurs
Avant tout d’abord dites-nous est-ce que le Cnt est dans le temps, est-ce qu’ils n’ont pas pris assez de temps pour présenter cet avant-projet de la nouvelle constitution au peuple de Guinée ?
-Sur cette question je ne peux pas dire qu’ils sont en retard parce qu’il n y avait pas un chronogramme ou un calendirer bien précis, pour dire que l’avant-projet devait être présenté à tel date. Donc de ce fait, comme cela n’ait pas été fait on ne peut pas dire qu’il y a eu un retard ou il y a eu une avancée. Mais aujourd’hui on va se réjouir du fait que l’avant-projet est sorti après beaucoup d’annonces, beaucoup de bruits, aussi d’attente.
À présent on va parler des institutions. Dans cet avant-projet de la nouvelle constitution, on parle de parlement bicaméral. C’est une nouvelle expression dans notre constitution. Dites-nous Me c’est quoi un parlement bicaméral ?
-En fait, pour utiliser un français simple, on peut dire un parlement bicaméral c’est un parlement qui a deux chambres. C’est-à-dire, il y a deux institutions dans une grande institution. Avant c’était une seule chambre on parlait de l’assemblée nationale. Maintenant à côté de cette assemblée nationale, il y a le Sénat. Donc, il y a les deux chambres qui vont travailler sur certaines questions ensemble, et sur d’autres, chanque chambre a ses prérogatives qui seront définies dans des lois organiques. Donc quand on dit parlement bicaméral ce qu’il y a maintenant deux chambres au niveau de l’organe qui légifère, c’est-à-dire qui établissent les lois.
Est-ce qu’on a vraiment besoin à l’état actuel de notre pays, d’une Assemblée nationale et d’un Sénat ?
-Parler de besoin on peut dire certainement oui, parce que selon les arguments ou en tout cas les informations données par l’organe chargé d’élaborer cette constitution, c’est-à-dire le Cnt qui fait office de l’organe législatif, avait fait des consultations à la base. Et finalement selon eux, c’est à travers ces consultations qu’on a mis à côté de l’assemblée nationale qui est beaucoup plus politique un Sénat qui peut avoir une autre légitimité et aussi une autre expérience. Parce que c’est des hommes plus ou moins expérimentés dans certains domaines bien définis qui seront à côté pour aider maintenant l’assemblée à réfléchir et à prendre des décisions. C’est l’argument qui a été donné. Maintenant on peut dire que l’argument est compréhensible et maintenant on va expérimenter et voir si cela peut évoluer dans le temps. Peut-être que dans le temps on verra si l’apport de ce Sénat et les dépenses liées à ce Sénat seront appréciés pour voir vraiment est-ce que l’organe là peut être maintenu ou en tout cas ça doit fonctionner. De toutes les façons ce n’est qu’une volonté populaire à traves une procédure bien définie qui permettrait de savoir réellement que cet organe ou en tout cas cette institution est nécessaire pour le bon fonctionnement de notre pays.
Venons-en maintenant aux conditions d’éligibilité du Président de la République qui fait débat. De par le passé des voix se sont levées pour dire qu’il y a une tentative d’exclusion. Maintenant l’avant-projet de la nouvelle constitution définit l’âge pour se présenter à l’élection présidentielle à 35 ans au moins et 80 ans au plus. À votre avis, est-ce que cet âge est raisonnable ?
-On peut dire oui. Moi je peux dire cela n’est qu’une appréciation personnelle. Un Guinéen qui a ses 80 ans révolus moi je peut dire que si tout ce qu’il a fait pour la Guinée si on peut apprécier cela, et maintenant lui il a besoin d’un repos, ça ce n’est qu’un appréciation personnelle. Mais c’est une mesure bien que j’entends les gens dire que la loi est taillée sur mesure. La loi c’est quelque chose qui est taillée sur mesure peut-être dit d’une autre manière. Parce qu’il faut déterminer parce que si on a dit par exemple que ceux qui n’ont pas18 ans ne votent pas là aussi il y a une exclusion de certaines personnes. Donc si on fait une limite vers le plafond, l’essentiel est de savoir est-ce que la population que nous sommes va accepter cela. Nous sommes aussi dans un avant-projet, il y aura des débats peut-être s’il y a des arguments qui vont sortir pour dire que non même à 82 ans, 85 ans on peut élire un président et puis n’oubliez pas que nous parlons d’un président de la République. Mais quand-même il y aura des débats d’ici là avant même que le projet ne soit adopté en plénière au niveau du Cnt avant que cet projet ne soit soumis à un référendum. Mais après 80 ans moi je me dis si tu n’as pas fait quelque chose pour ton pays j’aurais souhaité vraiment que tu te reposes et tu laisses d’autres faire ce travail.
Donc selon vous la junte n’est pas dans la logique d’exclure ?
-On a parlé des consultations, certainement c’est tiré des consultations et maintenant si ce sont ces consultations qui ont conduit à cela et aussi les gens peuvent réagir par après parce qu’il y a encore des rencontres qui s’organisent au niveau Conakry et certainement à l’intérieur. Peut-être d’ici là si les gens sont contre, ils peuvent venir dire non, l’âge c’est pas bon. Déplafonnez même si on aura pas un candidat de plus de 80 ans mais quand-même que l’ouverture soit là. De toute façon nous parlons de loi parce qu’elle est générale et elle est précise et même coercitive. Donc, on ne peut pas dire que tout le monde va être dedans mais si les mesures sont connues, peut-être acceptées par la majorité, de toutes les façons c’est un débat qui s’ouvre, chacun peut donner son point de vue.
On va toujours rester avec l’âge qui fait polémique. Si un candidat a la possibilité de se présenter pour un premier mandat, mais qu’au terme de ce mandat, son âge ne le permet pas de faire un second mandat et l’achever avant qu’il n’atteigne l’âge limite (80ans). Dans ce est-ce qu’il a la possibilité de candidater pour un second mandat étant donné qu’il ne va pas terminer son second mandat avant qu’il n’atteigne l’âge limite pour se présenter à l’élection ?
-Disons un candidat a 73 ans il se presente, il est élu pour un mandat de 5 ans, au deuxième mandant il a 78 ans parce qu’on a dit le candidat doit avoir l’âge limite de 80. Donc, ce qui veut dire que même s’il a 79 ans au moment des élections, ce qu’on considère que le président peut aller jusqu’à 84 ans il est au pouvoir si on comprend. Parce qu’à 79 ans ou même 80 puisque c’est l’âge limite, même si tu as 80 ans tu peux te présenter. Donc ce qui veut dire qu’un président qui doit être réélu s’il a 80 ans, il peut postuler encore et qu’à 85 ans maintenant il finit son mandat et là en ce moment il ne peut plus. Maintenant la question qu’il pouvait se poser, un candidat qui 76 ans il fait son premier mandat, maintenant la fin de son premier mandat il a 81 ans, maintenant c’est lui que la loi ne permet pas parce que dès après le mandat on ne parle pas de réélection on parle de candidature d’abord. S’il a ses 81 ans ce qui veut dire selon en tout cas l’avant-projet sue nous avons actuellement lui il ne peut pas se représenter.
Parlons maintenant de la candidature indépendante. Cette disposition ne figurait pas dans la constitution dissoute. Que se cache-t-il derrière cette candidature indépendante ?
-Vous savez si on réfléchit comme si on veut juste critiquer ça peut ne pas apporter. La candidature indépendante, ça se fait dans d’autres pays. Maintenant chez nous c’est une première peut-être à tous les niveaux sinon au niveau des Communes on avait déjà expérimenté. Là où on avait expérimenté on a compris que ces candidatures indépendantes ont battu les partis politiques même les plus reconnus. Ce qui veut dire que c’est une option que l’on peut expérimenter parce que les partis politiques c’est vrai ils ont des militants mais quand-même c’est pas tout le monde qui se retrouve dans les partis politiques. On peut expérimenter parce qu’on n’a pas interdit les partis politiques. Les candidatures indépendantes sont acceptées en plus les partis politiques. Maintenant si un candidat présenté par un parti politique, là il a ses militants, il a les citoyens qui vont voter il peut être élu. On dit pas que les partis sont écartés c’est juste un plus parce que la participation individuelle et personnelle c’est ce qui a été ouverte mais avec des conditions. Parce que le parrainage qui est mis en jeu, c’est pas finalisé encore. Parce que au minimum le parrainage ça doit être les un pour cent (1%) de l’électorat. Si c’est dans une commune le candidat il faut qu’il ait au moins les un pour cent (1%) de parrainage. On a vu des partis politiques ici qui ont présenté des candidats ils n’ont même pas eu 0% c’est zéro virgule…
Peut-être un parrainage peut avoir plus de voix que ce genre de partis.
Justement, comment on procède pour faire ce parrainage ?
-Il y aura une loi qui va déterminer comment le parrainage va se faire. Il y aura une loi organique à ce niveau, voilà si c’est le parti comment il va le faire, si c’est la candidature indépendante comment ça doit se faire. Donc c’est à peu près des options qui sont là c’est pas n’importe qui va se lever pour dire que je suis candidat et puis sans rien prouver. Il faut quand-même avoir quelques personnes qui te soutiennent qui même ont un nombre qui peut être plus qu’un parti politique légalement reconnu. C’est des mesures qui seront tracées et puis ça va apporter.
On a écouté des acteurs politiques qui ont soutenu que cette candidature indépendante c’est pour permettre au Président de la transition d’ôter la tenue et de se présenter. Qu’en dites-vous ?
-À ce niveau peut-être ils peuvent le penser même moi je peux le penser mais c’est pas anormal. Je parle franchement.
Pourtant la charte de la transition dit que les membres du Cnrd et du gouvernement ne vont pas se présenter à l’élection présidentielle ?
-Oui ça c’est la charte et ici on parle de la constitution et quand la constitution sera adoptée on ne parlera plus de charte. Parce qu’il n y aura pas deux constitutions et quand on aura la constitution on ne parlera plus de charte. Et la loi elle est générale, elle n’exclut personne. Que les gens le comprennent, l’acceptent et l’adoptent ainsi. Peut-être même les 99% de Guinéens ne vont pas se présenter à l’élection présidentielle. Mais ceux qui veulent ils ont l’ouverture, que les gens comprennent cela. Y a pas à dire tel ne doit pas faire ceci, la loi ne réagit pas comme ça. Maintenant un membre du Cnrd peut dire moi je ne me présente pas mais ça ne veut pas dire que la loi l’interdit, c’est une question de parole donnée. Les politiciens doivent d’abord être intelligents et en plus gentils. Parce que si on parle d’exclusion, si c’est pas prévu par une loi, ce que les politiques doivent comprendre que ça n’a aucune garantie. Et si on parle d’exclusion, que les politiciens refusent de dire tel et tel ne se présentent pas parce que sinon on peut dire par exemple, Cnrd ne se presente pas, tous ceux qui ont tripatouillé la constitution ne se présentent pas, tous ceux qui ont participé à de tels comportements ne participent pas aux élections. Finalement peut-être, la majorité de ceux qui pouvaient se présenter seront écartés et là en ce moment on ne parlera plus de loi. On parlera des mesures d’exclusion et il n y a pas des mesures d’exclusion dans une loi.
L’autre innovation, c’est l’instauration du débat radiotélévisé entre les candidats. Est-ce qu’à votre avis, les potentiels candidats voir les citoyens sont mentalement prêts de se prêter à cet exercice ?
-Moi je crois oui parce qu’aujourd’hui les gens sont habitués à utiliser même le téléphone peut-être pas en direct à la télé mais peut-être après la télé les gens vont partager ça dans facebook, dans whatsapp ou autre chose et finalement les gens verront. C’est aussi une nouveauté peut-être au début ça ne va être beaucoup influent mais peut-être à la longue quand les gens vont comprendre, attention pour choisir vos candidats, ils vont écouter ce qu’ils vont dire sur des points précis. Quand on va parler de l’éducation, de la santé, de l’agriculture, voilà on verra qu’est-ce que le candidat là a dit. Intellectuellement on peut l’évaluer et dire lui quand-même je ne le connaissais pas ou même s’il ne président dans ce domaine là, même s’il n’est pas élu on peut le confier ce domaine. Parce que c’est ça normalement que nous cherchons ce n’est pas à dire que celui-ci a gagné et tous les autres doivent être écartés. Parce que pour le moment c’est ça le système. Dès que un est élu, tous les autres se réunissent pour être opposant et c’est ce qui nous fatigue. Parfois l’opposition a beaucoup plus de pouvoir, des potentialités que même ceux qui sont au pouvoir. Normalement les candidats ils ont toujours un domaine d’action quand ils expliquent ce qu’ils connaissent, leur expérience on peut les utilise après parce qu’on ne travaille pas pour un président. On travaille pour une population. Mais c’est un positionnement qui est là, les gens pensent pensent que si aujourd’hui on est avec Mamadi Doumbouya on travaille pour Mamadi Doumbouya. Si on était avec Alpha Condé on travaille pour Alpha Condé. C’est pas comme ça, on travaille pour la population parce que si on construit un poste de santé c’est pas pour Alpha Condé, c’est pas pour Mamadi Doumbouya c’est pour un citoyen de cette localité.
Surtout il ne faut pas occulter du fait que les idées sont beaucoup plus figées sur l’ethnie que que le projet.
-Oui c’est une réalité mais comme on parle de partis et de candidature indépendante peut-être c’est des choses qui vont changer petit à petit avec les débats. C’est ce que j’ai dit, ce n’est pas que nous cherchons que tout doit être parfait dès le départ. Ce que le fait de soutenir une ethnie pour le moment à un angle un peu négatif mais c’est pad totalement négatif. Si quand-même ceux qui viennent au pouvoir quelles que soient les personnes qu’ils va choisi si ceux-là travaillent pour l’intérêt de la population c’est l’essentiel. Peut-être entre nous on peut dire lui il est malinké, lui il est forstier mais ceux qui sont à l’extérieur ils vont dire que c’est un Guinéen après tout. Parce qu’on ne verra jamais un Chinois ou un Américain ou un Sénégalais dans une équipe gouvernementale. Mais c’est des compréhensions qui sont là pour le moment on les considère trop. Dès qu’on donne la liste du gouvernement on commence à compter il y a combien des Diallo, il y a combien des Koulibaly, on essaye de se positionner en fonction de ça. Ce sont des Guinéens. Parce quand quelqu’un est élu président il choisit les personnes avec lesquelles il croit atteindre ses objectifs, c’est surtout ça. Maintenant s’il choisit là-bas des personnes qui ne donnent pas satisfaction c’est là où ça va poser des problèmes.
Nous arrivons au terme de cet entretien. Grosso-modo, qu’est-ce qu’on peut retenir de cet avant-projet de la nouvelle constitution ?
-Cet avant-projet après tout, ça pris beaucoup de temps mais d’abord il faut saluer du fait qu’on a l’avant-projet aujourd’hui, et demander à toute personne, toute entité qui souhaite apporter des modifications à cette période de l’apporter pour que l’on tienne compte de cela pour la finalisation du projet de constitution. Il y a beaucoup d’innovations, il y a beaucoup de changements mais peut-être que demain on aura besoin d’apporter d’autres modifications. Que cela ne surprenne pas les gens. L’essentiel est de savoir qu’est-ce qu’il faut modifier, quelle est la valeur de cette modification, c’est-à-dire les avantages et les inconvénients. Qu’il ait un débat intellectuel quand cela va arriver et que l’on essaye d’apprendre les procédures pour, soit modife ou ne pas modifier. En tout cas que les débats soient loyal, surtout civilisés.
Merci maître d’avoir répondu à nos questions.
-C’est moi qui vous remercie.
Entretien réalisé par Mamadou Aliou Diallo, pour foutakameen.com
Tél: 622 20 09 70
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