À l’occasion du 67e anniversaire de l’indépendance de la Guinée, la ville de Labé a vibré au rythme des célébrations officielles. Mais, loin de la ferveur des grandes places publiques, certains citoyens ont préféré poursuivre leurs activités professionnelles comme si de rien n’était. Entre joie modérée, préoccupations persistantes et appels pressants aux autorités, leurs témoignages traduisent un patriotisme teinté cependant, de désillusion.
Dans plusieurs quartiers de Labé, des citoyens ont ouvert leurs boutiques et ateliers comme un jour ordinaire. Pour eux, il s’agit moins d’un manque d’attachement à la fête nationale que d’une nécessité liée aux contraintes économiques et sociales.
Abdourahmane Diallo, commerçant, explique avoir choisi de travailler le matin avant de se joindre aux festivités.
« J’ai ouvert ma boutique aujourd’hui parce que j’avais un programme important. Une fois ce programme terminé, moi aussi je compte aller fêter l’indépendance. Je remercie Dieu de nous avoir gardés en vie jusqu’à cette journée. Je souhaite à tous les Guinéens une bonne fête et j’appelle les autorités à ne pas oublier les besoins de la population. Par exemple, la sécurité et la santé sont essentielles, mais nous ne pouvons pas les assurer seuls. C’est à l’État d’agir », plaide ce citoyen.
Pour d’autres, la célébration revêt un caractère plus symbolique qu’enthousiaste. Mamadou Alpha Diallo, lui aussi au travail ce 2 octobre, insiste sur le pragmatisme qui guide son choix.
« Nous avons ouvert parce que certaines personnes nous avaient annoncé leur visite. On ne voulait pas qu’elles trouvent les portes fermées. Ce n’est pas qu’on ne voulait pas fêter, mais il fallait honorer nos engagements. Je souhaite une bonne fête à tout le monde et je demande aux autorités de nous aider à développer le pays », lance-t-il.
Mamadou Benté Diallo adopte, quant à lui, un ton plus amer. Pour lui, la fête n’a pas de sens tant que les problèmes structurels de la Guinée demeurent non résolus.
« Ces 67 ans d’indépendance ne sont pas une vraie fête, parce que les Guinéens souffrent toujours de pauvreté, du manque d’eau et de routes. Le tronçon Labé-Mamou est impraticable. Avec toutes les richesses que Dieu a données à la Guinée, il n’y a aucun développement. Si tu prends dix Guinéens, un seul est riche et souvent il vit à l’étranger », déclare cet autre.
Lui aussi préfère travailler en ce jour symbolique, dénonçant l’absence d’infrastructures de base.
« Chez nous, il n’y a pas d’eau, pas de routes. Si quelqu’un tombe malade, il faut aller à l’étranger pour se soigner. J’appelle les autorités à agir, car elles seules ont les moyens de développer ce pays et de nous permettre de vivre dans des conditions décentes. »
De son côté, Thierno Sadou Diallo se veut plus conciliant. Pour lui, chacun célèbre à sa manière, l’essentiel étant de préserver la paix.
« Nous avons célébré à notre façon. Certains sont allés sur les places publiques, d’autres ont préféré travailler. Ce que je demande, c’est que ceux qui sont partis fêter le fassent dans la paix, sans violence. Quant aux autorités, je les invite à assurer la sécurité et le bon déroulement de la journée », sollicite ce citoyen.
Ces témoignages traduisent un sentiment partagé chez de nombreux citoyens : la fierté d’appartenir à une nation indépendante, mais aussi l’amertume face au manque de progrès concret dans des domaines vitaux tels que l’eau, les routes, la santé et la sécurité.
À Labé, comme ailleurs en Guinée, la célébration des 67 ans d’indépendance se vit donc à deux vitesses : d’un côté, une jeunesse attachée à ses racines et à son drapeau ; de l’autre, des citoyens désabusés qui rappellent, à travers leurs préoccupations, l’ampleur des défis qui attendent encore le pays.
Mamadou Dian Diallo et Laouratou Diallo, pour foutakameen.com
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