L’heure est grave dans la région administrative de Labé. Si le Foutah était autrefois réputé pour son climat doux, de nos jours, ce n’est plus le cas. Ces derniers temps le changement climatique a considérablement impacté sur l’environnement dans la région de Labé, favorisant ainsi, un réchauffement climatique hors du commun. Pourquoi ce changement radical ? Quelles sont les causes exactes de ce changement ? Quelles mesures draconiennes adopter pour restaurer le couvert végétal ? Nous avons abordé toutes ces questions d’une manière plus large avec Mamadou Kobera Diallo, inspecteur régional de l’environnement de Labé.
Lisez ci-dessous l’entretien exclusif qu’il a accordé à la rédaction de votre quotidien en ligne foutakameen.com !
Foutakameen.com: Monsieur Mamadou Kobera Diallo, bienvenue à cette émission. Tout d’abord, dites-nous c’est quoi l’environnement ?
Merci pour cette importante question. L’environnement est tout endroit où vit un être humain, tout ce qui l’entoure avec des phénomènes qui lui facilitent la survie. Nous avons l’eau, les arbres, l’air, les montagnes et tout ce qui va avec. Ce sont des phénomènes sans lesquels la vie serait quasi impossible. C’est ce qu’on appelle environnement.
Quels sont les différentes catégories de l’environnement ?
-L’environnement est divisé en trois catégories: il y a l’eau, les plantes et la terre. Si nous prenons les plantes, elles jouent différents rôles. Il y’a les forêts classées, qui, le plus souvent sont des espaces verts aménagés et gérés par l’état. Il y’a les forêts communautaires, qui sont gérées par la communauté mais avec l’avis et l’accompagnement de la commune. Il y’a les domaines naturels de l’état, ils ne sont pas forcément aménagés mais c’est connu de tous que ce sont des domaines appartenant à l’État (les bordures des rivières, les bowés, les montagnes, les débits des sources, en sont des exemples précis) l’ensemble de tout ça, constitue des domaines appartenant à l’État et personne n’a le droit d’y toucher. Il y’a aussi les parcs, au Foutah ici, nous avons le parc de Niokolo Badiar que tout le monde connaît par exemple, et il y’a l’aménagement d’un nouveau parc à Tougué qui est prévu et il sera fait parc qu’il y’a là-bas beaucoup d’espèces animalières qui doivent être préservées. Il y’a également les zones humides ou sites Ramsar. Au Foutah ici par exemple, il y’en a deux qui sont connus. L’initiative a vu jour dans une ville arabe appelée Ramsar et il a été dit là-bas que partout où un espace qui regorge tous les phénomènes naturels sera vu, que l’espace soit baptisé site Ramsar.
Dans ces endroits le plus souvent, il y’a l’humidité, les bowés, les buissons, exactement tout. Si nous prenons le Foutah, c’est à Dabola (Tinkisso) qu’il y’a cette zone. Il y’a une autre à Litimongo, en bas de hidayatou, jusqu’à Fafaya, tout au long des fleuves Gambie et Liitiwol. Nous avons beaucoup d’autres exemples qui ne finissent pas…
Comment se porte l’environnement à Labé ?
-L’endroit qui nous a été confié ne se limite qu’à la préfecture de Labé, mais c’est toute la région. Je peux vous dire que l’environnement se porte comme un charme à Labé. Depuis 1982 à nos jours, nous faisons attention et veillons sur l’environnement à Labé ici. Avant, la ville se limitait à bowloko, mais les guerres qui ont eu lieu en Sierra Leonne et Libéria, ont contribué à la dégradation de nos terres, parce que tout ceux qui venaient de là-bas, ont comme tout le monde, des besoins vitaux (manger, se loger…) c’est pourquoi avec ces guerres, la ville de Labé s’est multipliée en deux et tous ces gens qui sont installés, avaient coupé des arbres pour le faire. Beaucoup pensent que la coupe abusive du bois s’amplifie et que c’est fait exprès mais ce n’est pas le cas, ce sont les consommateurs qui augmentent du jour au lendemain et ces matières premières n’augmentent pas. Plus les gens sont nombreux dans un endroit, plus l’environnement est impacté. C’est pourquoi nous disons aux gens de diminuer la pollution de l’environnement. Les populations se multiplient tandis que les phénomènes naturels eux, ne bougent point. Et avec tout ça, il y en a qui construisent dans les rivières ou à leurs débits.
Que faut-il faire pour la bonne gestion de l’environnement ?
-Sur ce côté, il existe ce qu’on appelle le plan d’aménagement. S’occuper ou gérer l’environnement ne relève pas que du ministère de l’environnement, celui de l’urbanisme et de l’habitat aussi a un grand rôle à jouer dans ce sens. À Labé ici par exemple, ils ont récemment fait un plan d’aménagement pour le grand Labé. Financé par l’ANAFIC, ce plan avait réuni toutes les entités sociales concernées. Et ils ont pris la décision que peu importe la grandeur de la ville, les bordures des cours d’eau seront épargnées. Ça dépendra de la grandeur de la rivière mais il y’aura une bonne distance entre cette rivière, les routes et les maisons. Il y’a des forêts classés péri urbains, et à Labé, nous en avons trois. La première, c’est à dire Thialakoun tend à disparaître, mais celle de Sérima et Saala sont en très bon état.
Ce plan d’aménagement dont vous parlez, est-il mis en œuvre ?
-Comme je vous l’ai déjà dit, les choses sont parfois très complexes. Le plan d’aménagement existe, mais le plus souvent, quand un citoyen achète une parcelle bien lotie en bordure de rivière, dès qu’il trouve que c’est un bon endroit, il voudra que son parent aussi y possède. C’est pourquoi à chaque fois que nous avons un problème comme ça, une fois à la justice, ils ne pourront pas se justifier. Il y a aussi des maisons qui ont été construites avant ce plan d’aménagement et nous-nous battons afin qu’elles soient aussi dans les normes. Donc le plan d’aménagement existe, il est suivi et mis en pratique. Et jusque-là, nous continuons de nous battre pour que ça marche.
Quels sont les effets naturels qui impactent négativement sur l’environnement chez nous ?
-Il n y’a pas mal d’effets naturels qui contribuent à la dégradation de l’environnement. Là où nous parlons, il y’a la COP sur la biodiversité qui démarre. Comme la COP sur le réchauffement climatique, celle-ci aussi se rattache à ce qu’on appelle « Gaz à effet de serre ». Et c’est ce qui amplifie le réchauffement climatique. Mais chez nous ici, il n y en a pas vu qu’on n’a pratiquement pas d’usines. Il y’a des institutions internationales qui œuvrent dans ce domaine.
Quelles sont les plantes qu’il faut reboiser pour préserver l’environnement et quel est le moment propice pour faire le reboisement ?
-Premièrement, le moment de planter des arbres, avant il y’avait ce qu’on appelle le calendrier agricole. Il y’avait une durée bien déterminée pour le reboisement mais actuellement, avec le changement climatique, on ne peut pratiquement rien planifier. Cette année par exemple, la pluie n’a pas été abondante au mois d’août, en septembre, il a moins plu également. Il y’a eu un total changement climatique. Avant, la date retenue pour faire le reboisement était du 15 juillet au 15 août . Maintenant, si la saison pluvieuse commence en juin, il faut déjà planter. Ça, ce sont les plantes dans les brousses. Quant à celles que nous mettons dans les concessions, elles peuvent être plantées même en mars vu qu’elles seront arrosées. Le type de plantes qu’il faut planter, avant par exemple, celles que nous plantions grandissaient, elles nous venaient de l’Inde, c’était soit du Mélina, de l’acacia ou du teck et un peu d’eucalyptus. Mais aujourd’hui, tout a été changé. Nos brousses ont été totalement dégradées c’est pourquoi il est maintenant conseillé de planter les arbres que nous avons chez nous. Si dans la brousse il y’a assez de nérés qu’on les replante. quus environnementalistes par exemple, savons que pour le long des cours d’eau, il faut planter ce qu’on appelle Karapa. Partout où cette plante est développée, il y’aura assez d’eau.
Quel rôle jouent les arbres fruitiers dans la préservation de l’environnement ?
-Ceux-ci jouent un double rôle. Le premier, ils permettent de diminuer le réchauffement climatique, ils permettent aussi de s’alimenter. S’il y’avait une possibilité, ils seront les seuls à être plantés mais le problème avec eux aussi, c’est que peu importe leur multiplication, ils ne peuvent pas alimenter les animaux. Et aussi, ils s’acquièrent facilement des propriétés, quelqu’un qui va planter beaucoup de manguiers dans un espace vide en brousse, il finira par considérer l’endroit comme étant une propriété. Nous devons beaucoup nous accentuer à les planter. Je demande à tout un chacun de faire en sorte d’avoir ne serait-ce qu’un seul arbre fruitier dans sa concession.
Récemment, le ministre de l’environnement a interdit la coupe du bois, les menuisiers se plaignent trop. Ils affirment que cette interdiction a impacté le fonctionnement de leur activité. Où en est-on avec cette mesure ?
-Le repos écologique est important. Depuis des années maintenant, il figure parmi les différentes lois du pays, et nous ne sommes pas les seuls. Tous les codes liés à l’environnement disent qu’au moment où les plantes se développent, il doit y avoir un repos. Ceci se fait dans tous les domaines. Et il y’a d’énormes problèmes liés à ça. Cette année, avant même le communiqué, nous avions organisé une assise parce que l’année dernière, il y’a eu un dérèglement de programme. C’est pourquoi cette fois-ci, il est dit de l’arrêter jusqu’à nouvel ordre. Ceci ne peut pas empêcher aux gens de construire. Si tu as par exemple des arbres chez toi, tu pourras le faire sans problème, c’est juste qu’aller en brousse, couper des arbres et venir les revendre qui est interdit. Pour le cas des menuisiers, je dirais qu’ils font maintenant exprès sinon ce n’est pas la première fois, je pense donc qu’ils peuvent se planifier. Et jusqu’à présent ils n’ont même pas fini de consommer les stocks qu’ils avaient. Vous pouvez faire un tour dans les différentes menuiseries pour le constater.
Que dit la loi par rapport à ceux qui se livrent aux feux de brousse, soit de façon volontaire, soit de façon accidentelle ?
-Le code forestier de 2019 dit que, celui qui brûle la brousse, et celui qui n’éteint pas un feu de brousse, sont tous les deux logés à la même enseigne. Il peut y avoir feu de brousse, sans que la personne ne fasse exprès, mais la loi le condamne à deux ou trois ans d’emprisonnement et une amende qui va jusqu’à 50 millions, selon l’ampleur des dégâts.
Et celui qui le fait de façon volontaire, s’il est mis aux arrêts, il sera condamné de 6 mois à 6 ans d’emprisonnement et payera une amende qui va de dix à cent millions ou plus, selon les dégâts. Tout est au code. Quelqu’un qui trouve un feu de brousse, qui n’appelle pas au secours, ne fait rien, s’il est mis aux arrêts, la loi le condamne de deux à six mois d’emprisonnement avec une amende de cinq à quinze millions, parce qu’il a été témoin sans agir pour éteindre le feu. Il est dit que quand il y’a un feu de brousse, les populations à l’alentour doivent prendre l’affaire au sérieux et remettre l’auteur aux autorités. C’est ce que dit la loi à propos des feux de brousse.
Et les agents forestiers qui font de la magouille avec ces gens, en faisant un arrangement, que dit la loi ?
-C’est pourquoi nous avons donné des tenues à nos agents. Récemment, il y’a eu un cas pareil à Matakaou et ces agents sont en prison depuis deux mois maintenant. Ils seront jugés le 15 octobre. Toute personne qui fera une telle chose, si nous sommes informés, elle sera sanctionnée. Ces deux agents par exemple, n’ont pas provoqué de feux de brousses mais, ce sont des gens qui viennent demander une autorisation pour couper des arbres afin de construire une mosquée, ils dépassent la limite, et négocient avec les agents. À chaque fois qu’il y’a eu un cas comme ça, si nous sommes informés, la loi sera appliquée sur la personne.
Récemment, le président de la transition a pris un décret interdisant la fabrication, l’importation, la commercialisation et l’utilisation des emballages et des objets en plastique à usage unique. Quel est l’objectif visé dans ce décret ?
-Ce décret qui interdit l’importation et l’utilisation de ces sachets plastiques s’accentue sur ceux qui ne sont utilisables qu’une seule fois. Si tu peux fabriquer un plastique qui peut être utilisé à plusieurs reprises, c’est légal mais du moment où il n’y aura pas une deuxième fois, c’est interdit. Il y’a les plastiques utilisés dans les pharmacies, ils ne sont pas interdits parce qu’ils sont rares. Il y’a également des plastiques contenant des produits agricoles, eux aussi sont moins utilisés. Le délai est fixé à six mois pour permettre aux marchands d’écouler ce qu’ils ont acheté et aux usines qui le font à se préparer pour un quelconque changement. Ces sachets plastiques tuent les animaux, dégradent l’environnement, et contribuent au développement de plusieurs maladies. C’est pourquoi il est demandé aux marchands de changer ces sachets, pour ne pas perdre leur travail. parce que si le gouvernement décide de le faire, beaucoup perdront leur gagne pain.
Quel est votre mot de la fin ?
-Ce que je dirais aux gens, c’est que nos parents, avec l’utilisation du mythe, avaient tout fait pour garder intactes nos forêts, notre environnement en bon état. C’est donc à notre tour d’en prendre soin et de faire en sorte que les générations futures puissent également en profiter. Que les gens cessent de contribuer à la dégradation de l’environnement. Pour ceux qui construisent sur le long des cours d’eau, qu’ils sachent que si nous ne les attrapons pas, l’eau le fera à notre place. Nous sommes tous témoins des différentes inondations qui tuent des milliers de gens à travers le monde. Que la population de Labé fasse très attention, surtout ceux qui de Fadi et de Doghol. Que personne ne prenne le risque de gaspiller son argent en construisant sur le long d’une rivière. Les gens se cachent pour construire mais qu’ils sachent que tout ce que fait la saison sèche, la saison pluvieuse peut l’enlever.
Entretien décrypté par Mamoudou Talibé Baldé pour foutakameen.com
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