Guinée : la liberté de la presse en péril ? le secrétaire général du SPPG, dépeint une situation alarmante

Guinée : la liberté de la presse en péril ? le secrétaire général du SPPG, dépeint une situation alarmante

C’est un tableau sombre de la liberté de la presse en Guinée que le secrétaire général du Syndicat des Professionnels de la Presse de Guinée (SPPG) a dressé chez nos confrères de RFI. Sékou Jamal Pendessa n’a pas tergiversé sur la situation délicate dans laquelle les journalistes exercent leur profession en Guinée depuis l’arrivée au pouvoir des militaires.

Des arrestations de journalistes à leur incarcération pour certains, en passant par la fermeture des médias et même la censure des émissions critiques, le syndicaliste a tout dépeint.

« Nous avons la fermeture de deux télés et trois radios, ce qui a occasionné des milliers de pertes d’emplois. Nous avons aussi l’enlèvement du journaliste Habib Marouane, ce qui a terrorisé toute la corporation. Dans les rédactions aujourd’hui, le climat de peur prévaut toujours. Il y a des journalistes qui ont choisi de s’auto-censurer purement et simplement, sans compter que beaucoup ont quitté le pays par peur de se faire arrêter aussi. Nous avons enregistré des emprisonnements, en plus du fait que 31 journalistes ont été séquestrés, 16 ont été arrêtés arbitrairement et placés en garde à vue. Deux d’entre eux ont été conduits en prison : l’un a passé 40 jours, l’autre 50 jours derrière les barreaux. Nous avons aussi des agressions physiques. Deux journalistes des médias publics ont été sauvagement battus par des militaires, ce qui est rare, mais cette année, cela s’est produit. L’un des journalistes agressés a même eu son épaule droite déboîtée et a passé près de deux mois à la maison sans pouvoir travailler. Nous avons également la suspension de deux sites d’information et de trois journalistes, cette fois-ci par la Haute Autorité de la Communication – l’instance de régulation des médias en République de Guinée».

En somme, le secrétaire général du SPPG affirme avoir recensé « 70 atteintes graves à la liberté de la presse en 2024, contre 23 l’année précédente, soit une augmentation de 204 % », révèle-t-il.

Sur le cas de l’arrestation du journaliste Habib Marouane Camara, administrateur général du site d’information Le Révélateur224.com et dernière victime en date, Sékou Jamal Pendessa a expliqué avoir frappé à toutes les portes pour obtenir des informations sur les motifs de son arrestation et son lieu de détention, en vain.

« Jusqu’à présent, nous ne savons pas où il se trouve. Nous avons mené beaucoup de démarches. Dès le lendemain, le syndicat est allé rencontrer le Premier ministre, qui n’avait pas assez d’informations. Nous avons appelé le ministre de la Justice, qui nous a dit qu’il n’était pas le mieux placé puisqu’il n’est pas proche du dossier. Il nous a orientés vers le procureur général près la Cour d’appel de Conakry. Ce dernier nous a dit de laisser la procédure suivre son cours normal puisqu’il a été saisi par l’avocat d’Habib Marouane. Nous avons contacté d’autres personnes dont nous ne pouvons pas dévoiler l’identité, puisque c’est un dossier sensible. Nous y travaillons, mais jusqu’à présent, nous n’avons aucune information sur son lieu de détention ni sur la manière dont il est traité », a fait savoir le secrétaire général du SPPG.

À l’heure actuelle, c’est la peur qui règne dans la sphère médiatique guinéenne.

« Il y a des journalistes qui ont choisi d’ignorer certains sujets, il y en a qui possèdent des informations mais qui n’osent pas les publier parce qu’ils se demandent ce qui pourrait leur arriver. Aujourd’hui, il y a des directeurs et propriétaires de médias qui ont choisi de suspendre, voire de supprimer carrément, des émissions politiques et des débats, de peur de subir le même sort que d’autres. Il y a aussi des journalistes suspendus au sein de leur propre média. Ce n’est souvent pas rendu public, mais nous, au niveau du syndicat, qui sommes souvent saisis par les journalistes, nous le savons. L’autocensure a atteint un niveau jamais vu », regrette Sékou Jamal Pendessa.

Les journalistes continuent d’exercer leur métier tant bien que mal, mais les menaces, les intimidations et les risques d’arrestation les poussent de plus en plus à la prudence, renforçant ainsi la censure.

Mamadou Aliou Diallo pour foutakameen.com

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