Journée mondiale de la photographie et réalités du métier : «on part très tôt le matin pour couvrir un mariage qui dure deux jours»

Journée mondiale de la photographie et réalités du métier : «on part très tôt le matin pour couvrir un mariage qui dure deux jours»

Le 19 août de chaque année est célébrée la Journée mondiale de la photographie. À Labé, bien que cette date soit peu connue du grand public, des acteurs du secteur ont tenu à marquer l’événement à travers des activités symboliques. Une occasion pour eux de rappeler le rôle fondamental de la photographie dans la valorisation de la culture, la préservation de la mémoire collective et la transmission de l’information.

Pour recueillir leurs impressions, la rédaction de foutakameen.com s’est rendue sur place. Rencontré dans son laboratoire en pleine activité, Thierno Souleymane Diallo, photographe depuis plusieurs années, confie toute l’importance de cette célébration pour sa profession :

« Pour nous, c’est une journée de joie, car avoir une journée mondiale qui reconnaît notre travail, c’est valorisant. Mais nous avons aussi des regrets envers l’État, qui reste absent par rapport à notre métier », déclare-t-il.

Il rappelle qu’une association mandatée par le ministère avait, il y a quelque temps, demandé aux photographes de payer 6 millions de francs guinéens pour l’obtention d’une carte professionnelle. Cette carte devait leur permettre de participer à des événements officiels, de bénéficier de formations et de travailler dans un cadre plus reconnu.

« Depuis que nous avons reçu cette carte, rien n’a suivi. Cela fait presque deux ans, et personne ne nous a donné de nouvelles », déplore ce photographe.

À ces frustrations s’ajoutent des difficultés économiques. Le photographe évoque notamment le manque de considération de certains clients.

« Parfois, on part très tôt le matin pour couvrir un mariage qui dure deux jours. Ensuite, il faut passer des nuits entières au laboratoire pour monter les vidéos et préparer les albums. Mais au moment du paiement, certains clients disent ne pas avoir d’argent. Cet album, par exemple, je l’ai terminé il y a deux ans et je n’ai toujours pas été payé. Le marié est même décédé entre-temps. »

Face à ces obstacles, Thierno Souleymane Diallo lance un appel pressant aux autorités afin qu’elles reconnaissent davantage le rôle des photographes :

« Nous demandons au ministère de porter un regard sur nous, de ne pas oublier que nous faisons partie de son département. Nous avons respecté toutes les démarches exigées par l’État, maintenant c’est à lui d’honorer sa part », affirme Souleymane.

Thierno Mamadou Diallo, abonde dans le même sens. Pour lui, la Journée mondiale de la photographie est certes une source de fierté, mais elle met aussi en lumière le sentiment d’abandon que ressentent les photographes de l’intérieur du pays.

« Aujourd’hui, c’est une journée mondiale dédiée au travail des photographes, et c’est une joie. Mais à Labé, on a l’impression que nous sommes oubliés par l’État. Pour se former, il faut aller à Conakry, et si tu n’as pas les moyens, c’est presque impossible. À Conakry, cette journée est célébrée, mais dans les régions, rien n’est fait. Pourtant, même si ce n’est pas possible partout, inviter quelques photographes de l’intérieur pour participer aux activités dans la capitale serait un geste de reconnaissance », estime cet autre photographe.

Il interpelle ainsi les autorités sur la nécessité de favoriser la formation et l’accompagnement des jeunes talents afin de donner une véritable chance au métier de se développer en région.

Au-delà des critiques, Thierno Mamadou Diallo adresse un message d’encouragement à la nouvelle génération qui souhaite s’investir dans la photographie.

« Dès que tu as l’envie, commence, même si ce n’est qu’avec ton téléphone. Crée quelque chose de particulier et forme-toi sérieusement. Si tu n’es pas bien formé, tu ne pourras pas vivre de ce métier. Il faut aussi aimer ce que tu fais, car la photographie demande énormément de temps et de patience. Après un événement, alors que tout le monde se repose, le photographe doit encore travailler sur le montage et la retouche. Sans passion, tu ne tiendras pas. Trouve-toi aussi un mentor, et vise à le dépasser », conseille ce jeune passionné de photographie.

À travers ces témoignages, les photographes de Labé rappellent que leur profession dépasse la simple prise d’images. Elle constitue un patrimoine vivant, un témoignage visuel de la société et de son évolution. Mais pour que ce métier s’épanouisse et joue pleinement son rôle, il reste urgent que les autorités accordent plus de reconnaissance, de soutien et de formation aux acteurs du secteur.

Mamadou Dian Diallo et Abdourahmane Baldé pour foutakameen.com

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