«Même en dormant, je rêvais de ma commune», dixit Amadou Oury Diallo, l’homme qui a transformé Doghel Sigon (entretien exclusif)

«Même en dormant, je rêvais de ma commune», dixit Amadou Oury Diallo, l’homme qui a transformé Doghel Sigon (entretien exclusif)

Il a été maire de la commune rurale de Doghel Sigon pendant 32 ans, du 4 janvier 1992 au 27 mars 2024. Amadou Oury Moussa Diallo, puisque c’est de lui que nous parlons a été à la tête de la commune rurale de Doghel Sigon, pendant 32 ans. Durant ces 3 décennies, il a été au service de la commune rurale de Doghel Sigon en servant avec passion, dévouement et détermination sa population. Nous sommes en Moyenne-Guinée, dans la préfecture de Mali, relevant de la région administrative de Labé.

Tavailleur acharné, il a su transformer sa localité en misant sur la participation citoyenne, la transparence budgétaire et la volonté collective. Dans cet entretien réalisé par la rédaction de foutakameen.com, il revient sur son parcours, ses réalisations impressionnantes et les valeurs qui ont guidé son engagement.

Lisez plutôt l’entretien que la rédaction vous propose ci-dessous :

Bonjour monsieur le maire, merci d’avoir accepté de nous accorder cet entretien.

-Oui bonjour, c’est un devoir et un plaisir pour moi de vous recevoir.

Tout d’abord, veuillez vous présenter aux lecteurs de foutakameen.com ?

-Je suis Amadou Oury Moussa Diallo, né en 1950 à Doghel Sigon, dans la préfecture de Mali. J’ai commencé l’école en 1957 mais je me suis arrêté en 5e année. À l’époque, mes parents occupaient des postes influents dans notre localité. C’est ainsi qu’ils m’ont orienté vers le métier de « comi », que j’ai exercé pendant 20 ans. C’est de là que vient mon surnom « Oury Comi ». En 1992, la population de Sigon m’a confié la gestion de la commune. J’en ai été le maire jusqu’en 2024, avant l’arrivée des délégations spéciales.

Qu’est-ce que le métier de « comi » pour ceux qui ne connaissent pas ?

-Je travaillais au secrétariat du préfet. Je m’occupais des extraits de naissance, de l’enregistrement des courriers et de la transmission des rapports. C’est ce qu’on appelle le travail de « comi ».

En quelle année êtes-vous devenu maire de Sigon ?

-C’est le 4 janvier 1992. J’ai dirigé la commune pendant plus de 30 ans et c’est le 27 mars 2024 que j’ai été remplacé après le décret qui a remplacé tous les conseillers communaux par des délégations spéciales.

Comment expliquez-vous votre dévouement, malgré un parcours scolaire écourté ?

-Quand une population vous fait confiance, vous n’avez pas le droit à l’erreur. Tout repose sur la volonté collective. Nous avons toujours élaboré un plan de développement local sur cinq ans, avec un plan annuel d’investissement (PAI) à exécuter en concertation avec les citoyens.

Avez-vous occupé d’autres postes après le secrétariat ?

-Non, à part aider mes parents au champ pendant mes jours de repos. J’ai toutefois eu l’honneur de participer à un voyage d’étude au Canada, à l’initiative de l’Association des municipalités du Québec. Pendant deux mois, j’ai appris les méthodes de gestion participative. Cette expérience a changé ma vision du rôle des citoyens dans la gouvernance locale.

Était-ce un programme d’études classiques ?

-Non, ce n’était pas académique, mais un programme d’apprentissage sur la gestion des collectivités locales. J’en ai tiré des leçons précieuses que j’ai appliquées à Sigon.

Quels sont les principaux projets réalisés sous votre mandat ?

-Avec l’appui de la population et de quelques ONG, nous avons construit 30 écoles primaires (soit 90 salles de classe), 4 collèges, 2 lycées (dont un franco-arabe), 120 forages, 9 adductions d’eau, et 18 postes de santé (dont 13 réalisés sur fonds propres). Nous avons aussi mis en place 30 coopératives citoyennes, 6 centres d’encadrement pré-primaire, et construit 20 ponts. Sur l’environnement, nous avons soutenu la création d’un groupement forestier agréé.

Comment avez-vous recruté des enseignants pour tous ces établissements ?

-Depuis 2000, nous recrutons des enseignants contractuels. Depuis cette date jusqu’à l’année dernière nous en avions 129 enseignants contractuels, que nous payions grâce à une contribution annuelle des citoyens allant jusqu’à 130 millions de francs guinéens.

Quelle est votre principale source de revenu ?

-Principalement la population. Nous avons également bénéficié du soutien d’ONG et du gouvernement, mais la confiance des citoyens est notre première richesse.

Comment obtenez-vous les financements, en dehors des taxes locales ?

-En 2024, nos recettes de fonctionnement ont dépassé les 400 millions de francs guinéens. La délégation spéciale a hérité d’un PAI de 20 milliards, dont 5 milliards restent à exécuter. Nos grands projets reposent donc sur la contribution volontaire des habitants.

On dit souvent que vous étiez l’un des meilleurs maires. Comment l’expliquez-vous ?

-Je ne suis pas le meilleur maire. La meilleure chose, c’est d’avoir eu une population engagée, compréhensive et active.

Comment avez-vous surmonté votre malvoyance dans l’exercice de vos fonctions ?

-Ça ne m’a jamais découragé. Mon entourage m’a toujours soutenu. Eux, voyaient avec leurs yeux, moi avec mon esprit.

N’aviez-vous pas peur qu’on vous fasse signer des documents à votre insu ?

-Non. Le Code des collectivités locales prévoit la délégation de signature. Le vice-président s’occupe des affaires politiques, et le secrétaire général de la documentation. Tout repose sur la confiance.

Malgré votre niveau d’études, vous gérez bien les affaires de la commune. Quel est votre secret ?

-J’ai tout mis dans cette mission. Même en dormant, je rêvais de ma commune. C’est la passion et l’attention qui m’ont guidé.

Quels sont aujourd’hui les besoins prioritaires de Sigon ?

-Nous voulons que Doghel Sigon devienne une préfecture. Nous avons déjà introduit les documents au niveau de la préfecture en accord avec les villages voisins souhaitant se joindre à nous. Nous avons sollicité à ce que les documents soient transmis au ministère de l’administration du territoire et de la Décentralisation. Un projet d’adduction d’eau dans 17 villages est en cours (7 milliards de francs). Nous voulons aussi ouvrir une route directe vers le Sénégal pour désenclaver notre localité.

Quelle réalisation vous a le plus marqué durant votre mandat ?

-C’est la confiance que la population m’a accordée. Sans cela, rien n’aurait été possible.

Quel message adressez-vous à vos pairs ?

-Qu’ils instaurent la confiance avec leur population, car tout est éphémère, même le pouvoir.

Comment assurez-vous la sécurité de vos citoyens sans garde communale ?

-Nous avons mis en place des comités de gestion et de prévention des conflits. Ces comités permettent de résoudre les différends sans passer par la justice. Depuis 2017, aucun cas de plainte n’a été enregistré.

Un dernier mot à l’endroit des présidents de délégation spéciale ?

-Je leur demande d’unir leurs forces, d’être transparents et de bâtir la confiance avec leurs administrés. La population répond toujours quand on l’implique.

Nous arrivons au terme de notre entretien, merci à vous monsieur le maire d’avoir répondu à nos questions.

-C’est à moi de vous remercier car vous aussi à travers cet entretien, vous avez joué votre partition pour le développement de Sigon. J’espère que nos plaidoyers tomberont dans de bonnes oreilles et qu’une suite favorable nous sera accordée.

Entretien réalisé pour foutakameen.com, par Abdourahmane Baldé et Abdoul Karim Baldé

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