La sphère médiatique guinéenne est bouleversée depuis la prise du pouvoir par les militaires. Trois ans après le putsch du 5 septembre, trois grands groupes de presse ont été fermés, leurs employés contraints aux chômages. Cela fait déjà un an, précisément le 22 mai dernier, depuis que ces medias à grande écoute (FIM FM, Espace TV et FM et Djoma Médias) ont été cadenassés. Cette répression dont sont victimes les professionnels des médias suscite de nombreuses interrogations, notamment sur son impact potentiel sur les échéances électorales à venir.
Foutakameen.com s’est entretenue à ce sujet avec le vice-président de l’Organisation préfectorale de la société civile de Labé, qui se dit inquiet de l’avenir de la presse en Guinée et des conséquences de la restriction de la liberté de la presse et d’expression en période électorale.
Oumar Sadio Diallo, membre influent de la société civile de Labé, fustige la situation préoccupante dans laquelle se trouvent les médias guinéens :
« Si l’on observe la manière dont les journalistes exercent leur métier aujourd’hui dans notre pays, c’est profondément regrettable. Normalement, dans un État qui se réclame démocratique, les journalistes doivent pouvoir travailler librement, avec responsabilité. Mais ce que nous vivons actuellement est déplorable. En retraçant un peu l’histoire, on se rend compte qu’il y a maintenant un an que trois groupes médiatiques majeurs ont été fermés, sans que des motifs clairs ne soient avancés. Cela témoigne des nombreuses difficultés auxquelles les journalistes sont confrontés sous le régime actuel. Ces manœuvres visent manifestement à faire taire toutes les voix dissidentes face à la manière dont le pays est dirigé », regrette-t-il.
Selon l’activiste, ces mesures restrictives ne sont pas sans conséquences, surtout à l’approche des échéances électorales :
« Les répercussions de telles décisions sont nombreuses pour la vie d’une nation. D’abord, elles réduisent considérablement les sources d’information dont disposent les citoyens pour s’informer sur la gestion des affaires publiques. Et si l’on considère le contexte actuel, où nous nous dirigeons vers des élections très importantes pour l’avenir du pays, cette censure médiatique pourrait porter atteinte à la crédibilité même de ces élections. Il n’y aura pas de médias pour apporter un point de vue contraire à celui du pouvoir en place. Si la campagne électorale se déroule uniquement avec les médias d’État ou ceux proches du pouvoir, elle sera déséquilibrée. Certains candidats auront plus de visibilité que d’autres. À cela s’ajoute le rôle crucial des médias dans la sensibilisation des citoyens sur les enjeux électoraux et les comportements à adopter durant cette période. Or, sans médias libres et indépendants, capables de traiter l’information avec honnêteté et rigueur, c’est l’ensemble du processus électoral qui devient flou. C’est pourquoi il est essentiel de permettre à la presse de faire son travail sans pression ni crainte d’être kidnappée », affirme Oumar Sadio Diallo.
Interrogé sur le silence apparent de la société civile face à la situation actuelle du pays, particulièrement celle que traversent les professionnels de l’information, l’activiste apporte un éclaircissement à ce sujet :
« La société civile ne s’est pas tue. Il est vrai que certains ont peur de s’exprimer. Quand on voit la situation de ces journalistes contraints d’abandonner leur métier, alors qu’ils ont des familles à nourrir, on comprend que beaucoup hésitent à élever la voix. Celui qui ose parler s’expose au risque d’être enlevé ou poursuivi par la justice. Nous avons tous entendu récemment le ministre de la Justice parler du cas de nos camarades enlevés, Foniké Menguè et Billo Bah. Il a affirmé que la justice ne sait pas où ils sont, alors qu’il avait précédemment déclaré qu’une enquête était en cours. Tout cela vise à intimider et à décourager les citoyens de dénoncer les abus. Mais cela ne nous empêchera pas de réclamer nos droits et de dénoncer les mauvaises pratiques», déclare le président de l’association des consommateurs de Labé.
Pour conclure, le vice-président de l’organisation préfectorale de la société civile de Labé lance un appel à la vigilance et à la résilience :
« Les dirigeants peuvent user de leur pouvoir pour faire taire les voix discordantes. Mais cela ne doit pas nous empêcher de réclamer justice et démocratie dans ce pays. C’est pourquoi je demande aux hommes de médias de ne pas céder à la pression et de ne pas croire qu’il faut forcément être du côté du pouvoir pour survivre. Il faut rester fort, uni, et fidèle aux principes pour lesquels on s’est engagé. Cette période difficile finira par passer», exhorte Oumar Sadio Diallo.
Il convient de rappeler qu’un an s’est écoulé depuis que des centaines de pères et mères de famille se retrouvent au chômage suite à la fermeture de ces organes de presse. Ils se battent aujourd’hui tant bien que mal pour subvenir aux besoins de leurs familles, tout en étant contraints de renoncer à leur métier. Une question demeure : à quand la réouverture de ces médias et la fin de cette censure médiatique ?
L’avenir nous le dira.
Abdourahmane Baldé pour foutakameen.com
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