Cette déclaration risque de choquer encore et de faire réagir ses détracteurs. Depuis quelques jours, Tierno Monénembo, écrivain guinéen, occupe le devant de la scène sur les réseaux sociaux en raison de ses critiques virulentes contre les régimes autoritaires. Insensible aux étiquettes négatives qu’on lui colle, il assume pleinement ses prises de position. Son regard critique sur la situation sociopolitique de la Guinée fait de lui une figure controversée. Si certains estiment qu’il a renié son rôle d’écrivain, d’autres, en revanche, considèrent qu’il ne fait qu’exercer pleinement sa mission.
Malgré les nombreuses critiques dont il est la cible, il ne fléchit pas. Fidèle à ses convictions, il continue de dénoncer les dérives des régimes successifs et de ceux actuellement au pouvoir. Face à ceux qui lui reprochent d’adopter une posture systématiquement critique envers les gouvernants, il réplique sans détour :
« La question ne se pose pas, je fais mon devoir d’écrivain, je fais mon devoir de citoyen. Le devoir d’un écrivain, c’est d’interroger sa société, le devoir d’un écrivain, c’est d’interroger le pouvoir en place. La place de l’écrivain n’est pas au sein du gouvernement, elle est en face du gouvernement pour dire merde à chaque fois que c’est nécessaire. Si on n’interroge pas un gouvernement, il tue qui il veut, il boxe ceux qu’il veut, il fait ce qu’il veut », fustige-t-il.
Invité dans l’émission Dissidence Podcast, Tierno Monénembo rappelle que la responsabilité de tenir tête aux dirigeants ne repose pas uniquement sur les écrivains. Selon lui, l’ensemble des intellectuels et des figures religieuses devrait s’impliquer davantage, comme c’est le cas au Sénégal.
« Normalement, c’est aux intellectuels, pas seulement aux écrivains. C’est aux chefs religieux, aux marabouts… Regardez au Sénégal. Pourquoi le Sénégal ne dérive pas complètement ? Parce qu’à chaque fois, les élites sortent, elles font le minimum. Les intellectuels et les marabouts sortent et interrogent le gouvernement : « Attention ! Ça, non, on ne va pas là, c’est dangereux pour le pays, il faut changer de trajectoire. » Et ici, personne ne le fait. Chaque marabout guinéen, chaque prêtre guinéen, chaque intellectuel guinéen, ils sont prêts à lécher les pompes du pouvoir en place pour manger. Les peuples, ça ne les intéresse pas. Ça, c’est tragique», se désole l’homme des lettres.
Profondément indigné par le sort réservé aux citoyens engagés, l’écrivain fustige avec véhémence le silence des chefs religieux et coutumiers. Sans détour, il remet même en question leur foi et leur engagement moral.
« C’est très grave ce qui se passe en Guinée, c’est d’autant plus grave que c’est la même chose depuis 1958. Comment voulez-vous qu’en 2025, on tue des gens, on fasse disparaître des gens et que personne ne se lève ? Il n’y a pas un marabout pour dire : « Où sont ces gens-là ? » Ils croient en quoi, ces gens-là, ces salauds-là ? Ils croient au bon Dieu ? C’est normal, ça, dans un pays ? », s’indigne Thierno Saïdou Diallo, alias Tierno Monénembo, lauréat du prix Renaudot 2008.
Mamadou Aliou Diallo pour foutakameen.com
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