TPI de Kindia : « cette infrastructure n’est pas digne d’un palais… », se plaint le substitut du procureur (entretien)

TPI de Kindia : « cette infrastructure n’est pas digne d’un palais… », se plaint le substitut du procureur (entretien)

Lors d’un séjour effectué récemment à Kindia – la cité des agrumes -, l’équipe de foutakameen.com s’est entretenue avec Jean Pierre Tolno, substitut du procureur près le tribunal de première instance de cette préfecture. Au cours de cet entretien, le magistrat a mis en lumière les nombreuses difficultés auxquelles son parquet est confronté, tout en soulignant les principaux défis à relever pour améliorer le fonctionnement de l’appareil judiciaire dans la région.

Ci-dessous l’intégralité de l’entretien :

Bonjour Monsieur, s’il-vous-plaît veuillez vous présenter à nos lecteurs ?

Le procureur : Oui bonjour, je suis Jean-Pierre Tolno, substitut du procureur de la République près le tribunal de première instance de Kindia.

Dites-nous comment ça se passe l’organisation des audiences au sein du TP de Kindia ?

Comme vous le savez l’audiencement c’est-à-dire l’organisation des audiences au sein des juridictions incombe au parquet et pour ce qui est de Kindia notre parquet fait tout ce qu’il peut pour que les audiences se tiennent toutes les semaines et permettre à nos frères et sœurs infracteurs d’être situés sur leur sort dans un délai raisonnable. Vous remarquerez donc qu’à Kindia, nous avons présentement une semaine pour les audiences correctionnelles, une semaine pour les audiences criminelles pour permettre aux uns et aux autres d’être situés sur leur sort.

Quels sont les dossiers que vous recevez souvent que ça soit correctionnel ou criminel et quels sont les dossiers qui sont plus fréquents au parquet ?

Kindia est une grande juridiction, une grande juridiction à l’image de toutes ces juridiction voisines. Je vais parler de Dubréka, de Coyah, de Mamou de Labé. Kindia reçoit beaucoup d’affaires et pour apprécier le volume, il faut jauger la nature même des infractions. En matière criminelle par exemple, l’infraction de viol est très récurrente à Kindia dernièrement, l’infraction de viol domine. Et à côté de cette infraction, vous avez d’autres comme l’assassinat, comme le meurtre qui ne sont pas si récurrents mais que nous connaissons à Kindia. Et en matière correctionnelle, le plus souvent c’est l’infraction de vol et de stellionat. Donc vous avez le vol stellionat et infraction voisine notamment l’occupation illégale des destructions diverses. Ce sont là les matières les plus connues par cette juridiction.

Est-ce que vous avez les moyens nécessaire pour organiser ces audiences au sein de votre parquet ? Parlant des audiences criminelles, on sait qu’il y aura forcément la présence des avocats, est-ce que vous avez des possibilités d’en avoir pour vous permettre d’organiser les audiences criminelles dans un bref délai ?

Contrairement à certaines juridictions comme vous le dites, notre parquet et l’ensemble du personnel de ce tribunal de première instance de Kindia a accepté de faire le pas. C’est une obligation pour nous d’organiser ces audiences même sans moyens. Nous avons l’obligation de nous organiser pour que nos frères et sœurs infracteurs détenus dans la maison centrale de Kindia soient situés sur leur sort dans un délai raisonnable. S’il faut toujours attendre les moyens, ça va être compliqué et on pourrait nous-mêmes ne pas observer les dispositions légales. Puisqu’il est demandé aux acteurs de justice d’œuvrer pour que les infracteurs soient situés sur leur sort dans un délai raisonnable. Ainsi, puisque toutes les juridictions sont accompagnées trimestriellement par l’État avec des montants aussi peu soient-ils, nous à Kindia, le volet prévu pour les frais de justice et autres. Nous avons accepté de prendre cet argent entièrement pour l’organisation des audiences criminelles. Nous avons échangé avec le président qui préside actuellement ce tribunal, le procureur, la cheffe de greffe et l’ensemble du personnel de Kindia, après concertation et échanges, nous nous sommes entendus sur ceci : prendre le budget, constituer un avocat pour nos frères et sœurs pour la tenue des audiences criminelles. L’avocat chez nous est payé par nous et pour chaque dossier. Chaque dossier Nous avons discuté le prix, le dossier est évoqué, débattu. Une fois qu’il est mis en délibéré, nous donnons un document à l’avocat qui se rend au greffe pour prendre son argent. Et donc, les avocats que vous voyez dans nos audiences criminelles ici pour la plupart des cas sont payés par ce tribunal.

Dans ce cas, est-ce qu’il n’y aura pas, disons de mal entendu ? Si c’est le parquet qui paye l’avocat pour défendre l’accusé, est-ce que certains ne vont pas voir ça autrement comme si l’avocat sera de la part du parquet ? Comment est-ce que vous pouvez expliquer ça clairement ?

Bon, ce n’est pas le cas parce que vous n’êtes pas sans savoir que la loi permet même à l’accusé de constituer un de ses parents qui n’est pas professionnel, qui n’est pas avocat pour soigner ses intérêts. Mais imaginez qu’un non professionnel, quelqu’un qui n’a aucune connaissance en droit se retrouve dans un palais de justice, pour soigner les intérêts d’un accusé comme vous entendez par son nom d’une personne poursuivie pour des faits criminels pouvant être condamnés à de lourdes peines jusqu’à la perpétuité. La personne qui vient soigner ses intérêts n’a aucune notion, ne peut pas peser le danger que court son client. Alors constituer un professionnel, lui dire, vous venez simplement parce que ces frères et sœurs n’ont pas les moyens pour se trouver un avocat. L’État vous donne les moyens mais il ne vous constitue pas pour lui-même, c’est pour eux qu’il vous constituent. Nous ne sommes pas des ennemis, les avocats et nous mais déontologiquement, professionnellement, chaque acteur a l’obligation de jouer son rôle. Donc l’avocat, s’il est constitué pour l’accuser, il a l’obligation de soigner les intérêts de l’accuser. En aucun cas, il ne peut coopérer avec le parquet ou au pire des cas le tribunal pour nuire à un accusé. Au contraire il est là pour éviter que de telles choses arrivent. Donc ce n’est pas la même chose.

Est-ce que vos locaux vous permettent d’accéder et de faire le travail qui vous est confié dans le conditionnement ?

Mais comme vous le constatez vous-mêmes, vous n’avez qu’à observer par vous-mêmes l’infrastructure. Cette infrastructure n’est pas digne d’un palais, elle ne l’est pas d’ailleurs, nous avons un palais en construction depuis des années, mais jusque-là, les acteurs de justice et auxiliaire animent ce tribunal par patriotisme, professionnalisme, loyauté et fidélité à leur engagement continuent à travailler dans ces conditions. Vous êtes journalistes, appréciez par vous-mêmes les bureaux des magistrats, les locaux dans lesquels ils travaillent, l’état même de l’infrastructure et tirez votre propre conclusion. C’est cela.

Est-ce que cela peu de fois empêcher l’organisation des audiences ?

Ce tribunal fait beaucoup pour Kindia et d’ailleurs il fait aujourd’hui la fierté de cette ville. Les justiciables sont fiers du personnel de ce tribunal, fiers pour le travail qui est en train d’être fait malgré des conditions difficiles. Fiers pour leur professionnalisme. Fiers pour les décisions qui sont rendues. Nous pouvons peut-être évoquer des raisons subjectives ou même très objectives pour dire voilà pourquoi nous ne travaillons pas. Vous verrez que pour le transport des détenus, il faut mettre la main dans la poche. Parfois nous sommes aidés par le greffe mais c’est le parquet tous les jours qui met la main dans la poche pour trouver du carburant afin de partir chercher les détenus pour l’audience et les ramener après l’audience. Le minibus qui transporte les détenus pour nos audiences a été trouvé par le parquet et entretenu par le parquet est carburé par le parquet. Le chauffeur qui le conduit est pris en charge par le parquet. Donc c’est souvent dans notre salaire nous prenons cet argent pour pouvoir organiser les audiences. Les diligences qui sont faites sont faites au frais du parquet. Il faut toujours mettre la main dans la poche pour trouver des frais de d’huissiers, pour trouver des unités, pour trouver des moyens afin de les mettre à la disposition des autres auxiliaires de justice pour que le travail soit fait. Donc ce n’est pas facile.

Est-ce-que si un accusé est coupable et condamné, il va purger sa peine avant de sortir de la maison centrale ?

Nous ne savons pas ce qui s’est passé avant nous mais en tant que journaliste, vous pouvez vous promener dans la ville, poser la même question aux observateurs, aux juges que nous sommes parce que nous savons que de la même manière que nous jugeons nos infracteurs ici, de la même manière la société nous juge. Vous pouvez lui poser cette question. Ce qui est sûr, je peux vous l’affirmer avec certitude que ce parquet veille strictement, rigoureusement à l’exécution normale, correcte, légale de toutes les décisions de justice. En aucun cas, vous ne verrez un condamné dehors avant l’expiration de sa peine. Nous y veillons.

Est-ce que le personnel dont vous avez dans vos locaux sont suffisants pour le travail qui vous est confié ?

Vous n’avez qu’à remarquer pour Kindia est une grande ville, mais le parquet qui gère toute cette préfecture est géré aujourd’hui par deux magistrats, le procureur et son substitut que je suis. Vous comprenez que même quatre ne suffirait pas mais vous avez deux et ce sont ces deux là qui font tout ce qui reçoivent les plaintes qui les transmettent les PV qui organisent les audiences qui vont aux audiences qui veillent à l’exécution des décisions de justice, bref tout ce qui est travail de parquet est fait par ce parquet animé par deux magistrats au siège. C’est pareil, nous avons un manque criant de personnel mais nous pouvons féliciter et remercier l’Etat qui fait beaucoup aujourd’hui pour améliorer tant les conditions de vie de ces acteurs et auxiliaires de justice que les moyens leur permettant d’exercer dans la loyauté.

Qu’elle est votre mot de la fin ?

Nous voulons lancer un appel à tous les citoyens et toutes les citoyennes de Kindia. Nous avons appris qu’ils sont fiers de nous. Nous les exhortons à continuer dans ce sens. Si nous faisons le travail qui nous est demandé avec professionnalisme, c’est grâce à eux. Si aujourd’hui le parquet réussit à traquer ça et là des infracteurs, c’est grâce à leur collaboration. Nous voulons continuer à leur dire de nous faire confiance et de continuer à accepter de travailler avec nous pour réussir le paris commun. C’est l’appel que nous lançons à l’endroit de nos concitoyens et à l’Etat d’aider les acteurs que nous sommes. La volonté ne manque pas. Nous voulons bien faire. Nous sommes obligés de bien faire mais avec les moyens. Nous trouver par exemple pour ce parquet un moyen de transport pour nous permettre de faire nos inspections, pour nous permettre de vivre notre vocation, serait vraiment un ouf de soulagement pour ce parquet. Ce tribunal en a besoin, les acteurs de justice en ont besoin et c’est sur lui nous comptons. Tel est le message. Je vous remercie.

Merci beaucoup Monsieur le substitut du procureur de nous avoir accordé cet entretien.

Entretien réalisé par Boubacar Diallo et Abdoul Karim Baldé pour foutakameen.com

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